Site in English

Sergent-Chef Alfred HOFFERT


Biographie

Source (Photos et texte) : Mr Freddy HOFFERT, Fils du Sergent-Chef Alfred HOFFERT

Alfred HOFFERT est né le 19 avril 1913 à Algolsheim - canton de Neuf-Brisach - département du Haut-Rhin. Il était l'aîné d'une famille de 6 enfants

Il est décédé le 27 juillet 1992 à Tours - Département 37 - Indre et Loire.

Tout d'abord engagé volontaire en juillet 1931 soit à 18 ans, au corps des Equipages de la Flotte à Rochefort, il est jugé inapte pour denture insuffisante et renvoyé dans ses foyers.
Nullement découragé et passionné de mécanique, il s'engage de nouveau en septembre 1931 au 2ème Régiment d'Aviation de Strasbourg-Neudorf en tant que personnel mécanicien non navigant, et rejoint en Septembre 1933, la Base Aérienne n° 3 qui est en pleine réorganisation.
Note : en fait il s'agissait d'une 3ème Division Aérienne créée à titre provisoire le 10 février 1929 à Tours en Indre-et-Loire, sur les communes de Parçay-Meslay et Saint-Symphorien au sommet du plateau dominant la Loire et Tours en direction du sud.
En janvier 1934 le camp de Parçay-Meslay devient la Base Aérienne n° 131 de Tours, puis en janvier 1936 la Base Aérienne n° 109. Depuis mars 1961 c'est la Base Aérienne n° 705.
Il quitte donc l'Alsace avec le 2ème Régiment d'Aviation de Chasse de Strasbourg-Neudorf où il était précédemment, pour la Base de Tours-Parçay-Meslay ce qui va changer sa vie. Pour la petite Histoire : il déménage avec l'un des groupes les plus prestigieux, le Groupe de Chasse 1 / 2 issu du groupe d'escadrilles des " Cigognes " de La Grande Guerre : la SPA 3 de Guynemer, et la SPA 103 de Fonck, qui le composent.

A cette Base Aérienne devenue n° 131, il obtient le Brevet Supérieur de Mécanicien d'Aéronautique à compter du 11 mai 1934 ; il passera également son Brevet de Mitrailleur sur Hotchkiss modèle 1929. Il sera ensuite nommé sergent à compter du 1er novembre 1934. Il appartient alors à la 31 ½ Brigade Aérienne.
Note : la 31 ½ Brigade Aérienne fait partie de la 3ème Brigade Aérienne, et elle comprend :
- la 31ème Escadrille d'Observation.
- le 2ème Escadrille de Chasse.
- la Base Aérienne de Tours.

En 1935, 9 Bases Aériennes sont considérées comme les principales de l'Aviation Française : celles de Chartres - Metz - Nancy - Le Bourget - Reims - Pau - Tours - Châteauroux - Lyon.
Le 4 août 1936 toujours à la Base Aérienne de Tours renommée Base 109, il est présent lorsque le commandant Louis Mailloux prend la tête du groupe 2 de la 31ème Escadre.
Note : si ce haut gradé avait déjà une belle carrière militaire derrière lui, il était surtout connu pour plusieurs traversées de l'Atlantique Sud effectuées avec Jean Mermoz, dont celle en tant que navigateur sur le célèbre " Arc-en-ciel " !
Mon père se marie en septembre 1936, et il est ensuite admis dans le Corps des sous Officiers de Carrière à compter du 28 mars 1937.
Le 22 avril 1939 toujours sur le terrain de cette Base Aérienne 109 de Tours-Parçay-Meslay, il est témoin de l'accident fatal du lieutenant-colonel Louis Mailloux :
au retour d'une mission au-dessus d'Angers, 4 Bloch MB 210 de la 31e escadre se présentent pour atterrir ; le quatrième de la formation percute son leader, les deux appareils chutent et explosent à une centaine de mètres des hangars. Les corps du lieutenant-colonel Louis Mailloux et de ses huit membres d'équipages sont retirés des décombres. Le 25 avril, le Ministre de l'Air Guy De La Chambre et le général Vuillemin assisteront aux obsèques.
En août 1939, soit quelques mois plus tard, nouvel accident à l'atterrissage dont est victime un Bloch :
suite à une panne de freins l'appareil fonce droit sur les hangars, mais en chemin l'un de ses " guignol de commande " accroche un mécanicien. Le Bloch termine sa course contre les hangars endommageant 2 autres avions au passage : aucun blessé si ce n'est le mécano avec quelques contusions.
Note : mon père n'aimait pas beaucoup ces appareils-là, que certains n'hésitaient même pas à surnommer les " Cercueils Volants ".
Au seuil de la Guerre, mon père est nommé sergent-chef à compter du 1er juillet 1939.
Puis après " la Drôle de Guerre " et la débâcle de l'Armée Française, arriva la période noire pour les équipages et tout personnel de la Base.
Dès le 10 mai 1940 les Armées Allemandes déferlent sur la Hollande et la Belgique, puis également sur le nord de la France. Ainsi et au fur et à mesure de l'avancée du désastre, la Base de Tours va devoir servir de point de passage pour tous les Echelons roulants se rendant vers le sud-ouest ; on y accueille ainsi et entre autre, un groupe d'aviateurs Belges qui sera hébergé dans l'ancienne colonie pénitentiaire de Mettray. Mais aussi et surtout, les Unités Aériennes trouvent à Tours une Base d'accueil pour se réorganiser : par exemple les équipages des bombardiers qui ont été particulièrement étrillés au cours de la campagne, trouveront à Tours quelques appareils Léo tous neufs, mais ce seront hélas les hommes qui manqueront… !
Ainsi la Base de Tours-Parçay-Meslay aura vu passer tous les types d'appareils, du fait que c'était un terrain étape pour tous les Groupes Aériens en repli vers le sud !
Note :
mon père décrivait cela comme la plus difficile période de sa vie militaire : " Enormément de mouvements et de passages sur la Base ! On devait faire davantage avec bien moins de moyens ! Il nous fallait remettre rapidement en état non seulement tous les appareils qui rentraient des combats afin qu'ils puissent repartir au plus vite, mais aussi réparer au mieux les dégâts des avions qui devaient déjà se replier en Afrique du Nord ! Les pièces-détachées manquaient car nous n'étions plus approvisionnés : nous devions en récupérer sur d'autres avions qui ne pouvaient plus voler ! Et comme tout devait être fait dans l’urgence, nous étions obligés de travailler de jour comme de nuit par roulement simplement entrecoupé par quelques heures de sommeil car notre mission quotidienne était toujours la même : à l’aube il fallait que le plus possible d’appareils soit en état de voler en toute sécurité ! Ajouter à cela et dès juin les bombardements par les Allemands de la Base, ce qui nous amenait encore davantage de travail car il nous fallait participer en priorité à sa défense anti-aérienne avant de pouvoir nous occuper des appareils endommagés et aussi dégager tout ce qui avait été détruit ! Dans notre travail, jamais nous n’avions eu la responsabilité d’autant de vies de pilotes et d’équipages embarqués que durant ces 2 mois-là… ! Ce fut une période très éprouvante ! ».
Le 13 juin 1940 la Base de Tours reçoit un visiteur imprévu en la personne du Premier Ministre Britannique Winston Churchill qui, accompagné de lord Halifax et de lord Beaverbrook, vient visiter le gouvernement Français en exil à Tours ; cette délégation repartira vers 18 heures pour Londres.
Mais le 16 juin 1940 devant une situation aussi critique et pour sauver tout ce qui peut encore l'être, le général d'Armée Aérienne Joseph Vuillemin ordonne aux unités aériennes de rejoindre l'Afrique du Nord : ainsi 39 groupes aériens soit 40 % des groupes de chasse, les deux tiers des unités de bombardement, et près de 70 % de celles de reconnaissance quittent la métropole pour l'Afrique du Nord et rejoignent les huit groupes déjà sur place.
Par-contre le problème pour mon père maintenu à son poste de travail jusque-là, et pour l'un des derniers équipages encore sur place, c'est le manque d'avions encore en état de voler immédiatement suite aux dégâts des derniers combats, mais aussi à ceux causés par les bombardements de cette Base ; pas assez de temps non plus pour en réparer un, vu la rapidité de l'avancée des Armées Allemandes ! Il ne leur reste de disponible que ce Potez 63-11 n° 111 livré depuis peu, non armé, sans aucune hélice car en attente de ses deux fameuses hélices Rattier tri-pales à Pas variable (hélas pas encore disponibles pour tous les appareils). Et là, plus qu'une possibilité : remonter rapidement sur cet appareil, ses deux hélices de convoyage bi pales en bois !
Note :
entre les deux Guerres un grand nombre d'avions avaient encore une hélice en Bois, et mon père m'avait maintes fois expliqué la délicatesse de leur montage : boulons d'assemblage trop serrés, le bois se déforme et se fend - boulons pas assez serrés, l'hélice se détache - boulons avec un serrage irrégulier, l'hélice " Boîte " et se comporte comme une roue de vélo " Voilée " engendrant de fortes et dangereuses vibrations pour tout l'appareil !
Aussi, et avec le peu de temps restant pour préparer cet appareil avec un équipage de 3 hommes (dont j'ai oublié les noms des 2 autres), ils ne partiront hélas que parmi les tous derniers de la Base, soit le 17 juin 1940 jour de la demande d'Armistice, ne laissant derrière eux qu'une vingtaine d'appareils hors d'état de vol.

Le Sergent-Chef Alfred HOFFERT, à gauche sur la photo, devant le Potez 63-11 n°111 à bord duquel il tentera de rejoindre l'Afrique du Nord le 17 Juin 1940. Cette photo a été prise le 10 Juin 1940. L'appareil, neuf, ne dispose pas encore des bandes blanches d'identification sur le fuselage

Le Potez 63-11 n°111 est contraint àun atterrissage forcé suite à l'attaque de la Chasse Italienne le 17 Juin 1940

Et ce retard leur sera fatal car arrivés en vue de la Méditerranée, vulnérables avec un appareil n'ayant pas toutes ses performances et non armé, ils seront pris à partie par la Chasse Italienne ; et plutôt que se poser en mer, ils feront un atterrissage d'urgence près de Salon-de-Provence en endommageant leur appareil, mais fort heureusement sans aucun blessé.
Note :
voici la courte vie du Potez 63-11 n° 111, un avion neuf qui n'a pas eu l'occasion de voler beaucoup...! Cet avion sera ensuite récupéré par le gouvernement de la zone libre, probablement par la Base Aérienne 701 de Salon-de-Provence qui était la plus proche !
Puis dès le 18 juin 1940 les premiers éléments de La Luftwaffe prennent possession de la Base de Tours-Parçay-Meslay, car selon les clauses de l'Armistice l'Armée de l'Air est désarmée et son matériel remis aux autorités allemandes. Mais suite à des négociations, l'Armée de l'Air d'Armistice pourra conserver en métropole 6 groupes de Chasse monoplace sur Bloch MB 150 à MB 155 ; ces appareils devaient équiper la totalité des unités de Chasse conservées en zone libre, suivant les termes des accords franco-allemands, car l'autonomie des Bloch ne leur permettait pas de se replier sur l'Afrique du Nord. De plus les vols seront limités au strict minimum faute d'essence.
Suivront les tristes années d'occupation.

Le 16 octobre 1940, mon père est affecté au Bataillon de l'Air n° 117 où il sera détaché à la Base Aérienne n°127 d'Avord dans le Cher. Ainsi mes parents habiteront durant plusieurs années à Bourges en zone occupée, soit les années avant ma naissance.
Note :
c'est également à Bourges que mes parents feront la connaissance puis deviendront amis avec Henri Gilbert Schneider, aviateur à la carrière impressionnante, décoré de la Légion d'Honneur par le général Jouhaud en novembre 1953, médaillé Militaire et Chevalier de l'Ordre du Dragon d'Annam (mais ceci est une autre histoire… !).
Note :
issu de la Formation administrative 117 de Paris qui était l'équivalent d'une Base Aérienne, le Bataillon de l'Air n° 117 est créé en 1936 à Paris, et affecté sur le site de la Cité de l'Air qui intègre également l'E.N.S.A. (Ecole Nationale Supérieure de l'Aéronautique). Notons que la Cité de l'Air se trouve à proximité d'Issy-les-Moulineaux, l'un des plus anciens terrains d'aviation. Déplacé à Aulnat (Puy-de-Dôme en 1940), le 117ème Bataillon regagne Paris à la libération. Mais la future Armée de l'Air préfère se développer sur des terrains de province plus vastes, tels que ceux des Bases Aériennes 122 de Chartres-Champhol - 125 d'Istres-le-Tubé - 102 de Dijon-Longvic - ou 127 d'Avord (qui deviendra Base n° 702 en 1947).
Mon père est nommé adjudant à compter du 1er juillet 1943, puis il passe au Bataillon de l'Air n° 175 de la subdivision de Clermont le 16 octobre 1944, juste pour quelques jours.
Note :
ce sera cette année-là que, le 16 juillet 1944, il faillit perdre son épouse, son futur enfant, ses beaux-parents, beaux-frères et belles-sœurs, suite à l'accrochage en vol de nuit, de deux bombardiers Britanniques qui se sont ensuite écrasés en flamme à quelques centaines de mètres de leur maison !
Le 23 octobre 1944 il rejoint enfin la Base Aérienne de Tours qui vient d'être libérée le 28 août par les Américains, mais dont les pistes et installations sont détruites après les divers bombardements Alliés.
Nommé adjudant-chef à compter du 1er septembre l945, il passe à la réorganisation de la B.E. (Base école) de Tours.
Il est ensuite affecté au C.R.A.P. 207 à Tours (centre de rassemblement de l'administration du personnel) le 20 décembre 1946, mais pour très peu de temps car ce travail plus administratif que sa chère mécanique ne l'intéresse pas.
Et de ce fait, admis au bénéfice des articles de la Loi du 5 avril 1946 relative au dégagement des cadres à compter du 20 décembre 1946, il se retire dans la banlieue de Tours pour ne plus la quitter.

Alfred HOFFERT est médaillé Militaire à compter du 31 décembre 1948


Il continuera quand même sa passion pour la mécanique jusqu'à sa retraite en 1973, mais non plus sur avions mais sur automobiles, passion qu'il aura su me transmettre à moi-même puisque ce fut mon métier !

   
Sur ces deux photos du Potez 63-11 n°111 après son atterrissage en campagne, on peut voir les hélices de convoyage en bois
La bande d'identification sur le fuselage est maintenant présente.